Lara (Corinna Harfouch) mit ihrem Sohn Viktor (Tom Schilling)

LARA: « Le réalisateur d’Oh Boy fait un sans-faute »

Le réalisateur d’Oh Boy fait un sans-faute avec ce portrait terrible d’une femme, à l’orée de ses soixante ans, interprétée par une Corinna Harfouch avec une rare intensité.

Laurent Cambon pour aVoir-aLire.com

Lara a soixante ans. A peine réveillée, elle ouvre la fenêtre de son appartement, comme tentée de mettre fin à ses jours. Mais elle est sauvée in extremis par des policiers maladroits qui lui demandent d’assister à la perquisition du domicile de son voisin. Le film alors prend la main du spectateur et accompagne Lara dans cette drôle de journée d’anniversaire, où il sera question d’amour tout autant que de violences maternelles, de musique, de douleur et de castration.

La puissance émotionnelle du personnage central du long-métrage serait inexistante, sans l’interprétation époustouflante de Corinna Harfouch. La comédienne allemande qui n’avait pas joué au cinéma depuis plus de six ans, semble totalement confondue à son personnage complexe. On croirait reconnaître dans ses postures, dans la sonorité de la voix, dans les traits du visage, le jeu subtil et froid d’une Isabelle Huppert. Le brillant réalisateur d’Oh Boy, qui dirigeait déjà Tom Schilling dans le rôle d’un trentenaire en pleine transformation, raconte aussi à travers son héroïne le récit d’une mutation. L’enjeu demeure pour elle d’accepter la carrière de pianiste qu’elle n’a pas eue, le talent indiscutable de son fils, et le vide qu’elle a créé autour d’elle depuis des années. Corinna Harfouch habite son personnage grâce à des dialogues fins et nuancés, des costumes et des maquillages qui renforcent le caractère plus que troublant de cette femme.

Un grand soin est apporté à la musique. Le piano est très présent, et pour une fois, les doublures semblent totalement invisibles. Lara Jenkins décrit le droit que chacun a de réaliser ses propres rêves et de faire la part des choses entre ses aspirations personnelles et les projections que nous avons sur nos progénitures. La musique participe à ce projet de vie que chacun doit tenter de mener à bout, s’il ne veut pas succomber à l’aigreur. Heureusement, le film ouvre sur l’espoir et ne réduit pas l’humanité au pire. Le réalisateur montre avec brio qu’il n’y a pas d’âge pour se réaliser, et encore moins pour détruire ses proches, à cause d’obscures raisons personnelles qui n’ont rien à voir avec eux.

 

LARA