« Sing Me a Song »: quand l’écran attire plus que Bouddha

Peyangki, jeune moine aliéné à son écran, tombe amoureux à distance. Un documentaire contemplatif et percutant. 

 

Sabine Verhest pour La Libre,

Peyangki disait qu’il méditerait et se retirerait du monde le temps nécessaire pour devenir un lama. C’est ce qu’il racontait, le gamin du Bhoutan, quand il avait huit ans, la robe pourpre des moines bouddhistes déjà sur le dos. On entre rarement au monastère par vocation à cet âge – était-ce d’ailleurs vraiment le cas ?

La route, l’électricité, la télévision arrivaient seulement jusqu’à Laya, son village des hauteurs himalayennes. Dix ans plus tard, la lumière bleue des écrans éclaire les visages dans la pénombre de son monastère de Gasa. Peyangki et ses coreligionnaires récitent mécaniquement les prières, les yeux irrésistiblement rivés sur leur smartphone. L’enfant joyeux s’est éteint. Peyangki est aliéné, il chatte et joue à la guerre. Il n’apprend rien. Il déçoit les espoirs de sa mère et les attentes de son maître – « Fais quelque chose qui soit utile aux autres ! ». Lui se dit qu’il n’est finalement pas fait pour étudier. Il est devenu ce grand adolescent qui aime les chansons d’amour et voilà qu’Ugyen, rencontrée sur WeChat, le réseau social en vogue au Bhoutan, lui en chante en jouant avec ses longs cheveux de jais. « Elle est belle. » Rattrapé par ses premiers émois, Peyangki succombe.

Rien n’est inventé, Sing Me a Song est un documentaire. Un documentaire dont on découvre les plans comme dans un film scénarisé jusqu’aux larmes qui naissent au creux des yeux. Beau et touchant, contemplatif et percutant.

SING ME A SONG