« Au-delà du constat historico-sociologique, que peut signifier la figure de l’adolescent.e au cinéma ? » *L’empire de l’adolescence, revue Vertigo n°45.
Qui se souvient d’un adolescent dans le cinéma muet ? ou même le cinéma des années trente ?) Le phénomène date des années cinquante : Blackboard Jungle (R. Brooks) et Rebel without a cause (N. Ray) signent l’émergence du teen-movie aux États-Unis, qui très vite acquiert ses modalités propres de création et de diffusion (le cinéma d’exploitation, le drive in).
Le XXe siècle a inventé l’adolescence. Les nombreux changements sociaux survenus dans le sillage de l’Après-guerre – l’allongement de la durée des études, l’entrée plus tardive dans la vie active, la construction, par la publicité, le marketing et les industries culturelles, d’un cœur de cible idoine, la naissance de codes culturels spécifiant et circonscrivant cette tranche d’âge – ont conduit à un étirement du passage entre deux âges, et l’adolescent, être ontologiquement de/du passage, s’est immiscé entre l’enfance et l’âge d’homme. C’est alors qu’il devint un personnage de cinéma.
Bel âge ou âge ingrat, état fantasmé et chimérique ouvert à toutes les promesses ou bulle autarcique : le regard posé sur l’adolescence n’est pas unique. l’adolescence est soit devenue un état prolongé, indépassable – comme en témoigne symptomatiquement l’adolescent vampire de Twilight, rivé à une jeunesse éternelle (qui lui fait connaître la paternité depuis cette non-maturité). Cependant, des films s’incrivent encore dans l’héritage romantique du roman de formation ou d’apprentissage qui accompagnait la maturation d’un jeune héros, on le voyait refuser définitivement d’habiter ce monde (Le Diable, probablement de Bresson, Noce blanche de Brisseau) ou s’accomplir et devenir adulte,(les adolescents de Pialat, Eustache et Rohmer, les jeunes filles de Breillat).
Adolescentes, sortie en 2020, ajoute sa pierre à l’édifice en tant que documentaire : « Je voulais connaître la vie d’un adolescent aujourd’hui, et la mettre en regard de celle qu’avait pu être la mienne dans les années 80. (…) Je voulais savoir si les choses avaient changé et comment le contexte politique, social et économique pouvait fabriquer d’autres styles d’adolescence. »
Le documentaire Adolescentes de Sébastien Lifshitz, comme un témoignage d’une forme d’adolescence aujourd’hui.
« Tous m’ont expliqué qu’un adolescent d’aujourd’hui était sensiblement le même qu’il y a 15 ans alors que les adolescentes, elles, avaient évolué. Dans une prise d’indépendance, dans une affirmation plus forte de qui elles sont, dans leur souci d’égalité… »
Présenté début septembre au Brussels International Film Festival (BRIFF), le documentaire « Adolescentes » est une chronique de jeunesse qui suit pendant cinq ans le quotidien d’Emma et Anaïs, deux amies de collège puis de lycée à Brive-la-Gaillarde. A découvrir ce vendredi à 19:30.